Quand l’écologie supplante la théologie

Source: FSSPX Actualités

La « Journée mondiale de prière pour la sauvegarde de la Création » a été lancée par le pape François, en 2015, dans l’esprit de Laudato si’ (24 mai 2015), son encyclique « environnementale », comme la qualifie la presse.

Cette année, la Journée pour la sauvegarde de la Création inaugure le « Temps de la Création », une période d’un mois se déroulant du 1er septembre au 4 octobre, et consacrée au « Jubilé pour la Terre ». 

Dans le message que le pape a publié le 1er septembre, on peut lire – entre autres – qu’il faut « réparer l’harmonie originelle de la Création », « assainir des rapports humains compromis », exiger une « justice réparatrice » des pays du Nord envers les pays du Sud, car – aux yeux de François – les pays riches ont contracté « une dette écologique énorme, due principalement au pillage des ressources et à l’utilisation excessive de l’espace environnemental commun pour l’élimination des déchets ». 

En préparation du sommet de Glasgow (Royaume-Uni) sur le climat, reporté en 2021 en raison de la pandémie, chaque pays est invité par le pape « à adopter des objectifs nationaux plus ambitieux pour réduire les émissions polluantes ». Pour François, il s’agit de restaurer l’équilibre climatique et de s’unir pour limiter l’augmentation de la température moyenne au seuil de 1,5 °C, objectif fixé par le GIEC, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. 

Selon le pape, un autre enjeu capital est la préservation de la biodiversité, pour sauvegarder les 30% de la Terre comme habitat protégé avant 2030. D’après lui, la 15e réunion de la Convention de l’ONU sur la diversité biologique, à Kunming en Chine, – elle aussi repoussée en 2021 –, doit constituer un véritable « tournant » afin que la Terre redevienne une maison où la vie est « abondante ». 

Le cinquième anniversaire de Laudato si’ est un motif de réjouissance, selon François, car il constate un rapprochement des communautés de croyants « pour donner vie à un monde plus juste, plus pacifique et plus durable » dans un esprit œcuménique. D’après lui, l’Esprit Saint anime de nombreux individus pour reconstruire la maison commune et défendre les plus vulnérables : « Nous assistons à l’émergence progressive d’une grande mobilisation de personnes, qui, à la base et dans les périphéries, travaillent généreusement pour la protection de la Terre et des pauvres ». 

Quelle est la source de l’enseignement écologique du pape ?  

Le 3 octobre, au terme du Temps de la Création, le pape ira à Assise signer la troisième encyclique de son pontificat, intitulée « Tous frères ». DICI ne manquera pas d’analyser ce document sitôt paru, mais force est de constater que d’ores et déjà le message de François pour la Journée mondiale de prière pour la sauvegarde de la Création a suscité de nombreuses et vives réactions.  

Ainsi Riccardo Cascioli, dans La Nuova Bussola Quotidiana du 3 septembre, affirme que ce message du pape fait figure de « manifeste chrétien de la décroissance heureuse, assaisonné du schéma habituel des riches contre les pauvres, du Nord contre le Sud », et que « la référence au Dieu créateur apparaît comme un rappel idéal et fugace, isolé et déconnecté de tous les sujets traités, qui ont davantage à voir avec les campagnes du WWF [Fonds mondial pour la nature] ou les schémas paléo-marxistes ». 

Et de dénoncer cette « tendance à faire passer au rang de magistère des thèses scientifiques et des analyses politiques qui par nature sont provisoires et contestables. En d’autres termes, d’une part, on ignore la vraie doctrine, les questions de foi et de morale qui font partie du patrimonium fidei de l’Eglise et constituent la vérité sur l’homme, sur Dieu et sur la réalité ; d’autre part, on élève au rang de doctrine celles qui peuvent être, dans le meilleur des cas, des conséquences possibles d’une vision chrétienne de la réalité, mais qui sont beaucoup plus souvent le fruit de la mentalité de ce monde. C’est une question très épineuse car l’Eglise cesse ainsi de proclamer des vérités éternelles et se lance tête baissée dans des débats politiques contingents, créant de plus grandes divisions et confusions, alors qu’elle pense contribuer à l’unité du genre humain. » 

R. Cascioli rappelle fort à propos la source à laquelle puise le message de François lorsqu’il invite chaque homme « à faire partie d’un tout, d’une “communauté vivante”, telle qu’elle est définie par la Charte de la Terre, dont on retrouve les échos tant dans Laudato si’ que dans le message pour la Journée de la Création ». Il faut savoir, écrit-il, que cette « Charte de la Terre est un document approuvé en 2000 à l’Unesco, qui rassemble les principes éthiques fondamentaux qui avaient inspiré les conférences internationales des Nations unies sur l’environnement et le développement, et qui sont à la base des politiques mondiales actuelles, dans lesquelles c’est l’activité et la présence de l’homme lui-même qui constitue un problème pour les écosystèmes. » 

Le 1er septembre, sur son blogue, Jeanne Smits a parfaitement exprimé ce « sentiment de gêne à la lecture de ce message [du pape] qui évoque certes le fait que “nous avons brisé les liens qui nous unissaient au Créateur, aux autres êtres humains et au reste de la création”, mais qui n’évoque nullement la cause de cette rupture, à savoir le péché originel qui a blessé la nature humaine et déséquilibré la nature tout court, en rendant l’homme radicalement incapable de connaître l’amitié avec la Sainte Trinité sans être d’abord racheté de la faute d’Adam et de ses propres fautes. » 

La journaliste française souligne à juste titre : « à y réfléchir, cela apparaît plutôt comme le rétablissement d’un paradis terrestre, et ce au moyen de la prise en compte des besoins de la terre, qui ne passerait pas par une préalable conversion personnelle à Dieu, avec le secours de sa grâce, mais par un idéal de “partage” universel dont la mise en œuvre a coutume d’aboutir à bien des bains de sang. » 

Une utopie millénariste et pélagienne 

Dès lors, on ne peut que s’inquiéter de la prochaine encyclique « Tous frères », comme le montre FSSPX.Actualités du 7 septembre : « Il est malheureusement à craindre que les défauts décelés tant dans l’encyclique Laudato si’ que dans le Document sur la fraternité humaine [cosigné le 4 février 2019, à Abou Dabi, par François et le grand imam d’Al-Azhar], ne soient réexposés, et que les graves réserves qui leur avaient été opposées ne doivent être réexprimées. 

« Depuis Laudato si’, la pensée papale n’est pas sortie d’une utopie millénariste et pélagienne. 

« Millénariste, car elle rêve d’une restauration impossible de la nature blessée par le péché originel. Le dernier message du pape – du 1er septembre – ne dit-il pas que “le Jubilé est un temps pour réparer l’harmonie originelle de la création” ? 

« Pélagienne, car la “conversion” qui mène à cette restauration est conçue sans l’aide de Dieu. Comment envisager – pour tous les habitants du globe auxquels cette encyclique s’adresse – une “civilisation de l’amour”, une “fraternité universelle” ou une “nouvelle synthèse”, sans la grâce ? 

« C’est finalement oublier la Royauté universelle du Christ, seule capable de restaurer l’homme blessé, de lui donner la charité divine pour lui-même et dans ses rapports avec le prochain, et de lui conserver la prudence pour le respect de la création. »