Lettre aux amis et bienfaiteurs - Mars 2018

La contraception

Chers Amis et Bienfaiteurs,

L’agir suit l’être, comme nous enseigne la philosophie de toujours, et c’est ainsi que la morale suit la doctrine. Se battre pour garder la saine doctrine entraîne nécessairement vouloir garder la saine morale. Et toucher à la doctrine conduit nécessairement à toucher à la morale.

Cela signifie que si nous sommes de nos jours les tristes témoins d’une attaque jamais vue sur tous les aspects du mariage, qui font suite à des changements dans la doctrine du mariage, il doit être possible de remonter aux sources.

Par exemple, aussi récemment que le 14 décembre dernier, à la prestigieuse université grégorienne à Rome, là même où Mgr Lefebvre a étudié dans les années 1920, le père Maurizio Chiodi, nouveau membre de l’Académie Pontificale pour la Vie de par la volonté expresse du pape François, donna une conférence, sa troisième sur le sujet, dont le but était de ‘relire’ l’encyclique Humanae Vitae de 1968, celle-là même qui condamnait la contraception comme intrinsèquement perverse, « dans le contexte d’un temps de changement » et de situations « encore plus complexes ». Dans les trois dernières minutes de sa conférence de 45 minutes, il lâcha le gros morceau en parlant de la responsabilité dans la génération : « Dans des situations où les méthodes naturelles sont impossibles ou ne peuvent être suivies, d’autres formes de responsabilité doivent être trouvées. Il y a des circonstances – je fais référence ici à Amoris Laetitia, chapitre 8 – qui demandent la contraception au nom de la responsabilité. (…) Dans ces circonstances une méthode artificielle de régler la naissance pourrait être reconnue comme un acte responsable… » (Faithful Insight, février 2018, pp. 27-28, traduction par nos propres soins).

Nos évêques du Canada l’avaient déjà déclaré bien haut en septembre 1968 après la publication d’Humanae Vitae, dans la fameuse Déclaration de Winnipeg où il est dit, au paragraphe 26, que l’on peut en toute conscience agir contre l’enseignement de l’encyclique, donc prendre la pilule, si on pense que c’est bien. C’est le primat de la conscience sur la loi de Dieu.

Remontons encore plus loin, au fameux Concile lui-même. Les propos du père Chiodi ne sont que l’écho fidèle de ce qu’un Cardinal, cette fois, prononça bien clairement dans l’aula conciliaire et qui fut bien compris de tous, libéraux, conservateurs et media. C’est du Cardinal Suenens dont il s’agit, lui qui est en grande partie responsable de l’expression « Concile pastoral ». (Vatican II, Une histoire à écrire, R. de Mattei, II, 13 a)

Ce coup de tonnerre ecclésial eut lieu le 29 octobre 1964, au milieu de la 3e Session, quand on discutait le schéma Gaudium et Spes. Dans la première partie de sa longue intervention, le Cardinal demande si l’Église a bien compris le mariage jusqu’ici en insistant peut-être trop sur la procréation et non sur l’amour des époux. Dans la seconde partie, il parle des progrès scientifiques : « Suivons les progrès de la science. Évitons un nouveau ‘Procès Galilée’ ».

Le journal Le Monde rapporta clairement le message du Cardinal : « Le peu que l’on puisse dire, c’est que les deux dernières congrégations générales de Vatican II (27 et 29 oct.) ont inauguré une nouvelle époque dans l’Église Romaine. De fait les interventions du Patriarche Maximos IV et des Cardinaux Léger, Suenens et Alfrink représentent une telle rupture avec ce qu’on appelle la doctrine traditionnelle sur le contrôle des naissances qu’elles marquent un changement radical d’attitude ». (De Mattei, op.cit., V, 10 b) Cela est désormais passé dans le nouveau Code de Droit Canonique de 1983 au canon 1055 qui invertit les fins du mariage, mettant la procréation en second, après l’amour mutuel.

Dès décembre 1966, une année après la fin du Concile, Monseigneur Lefebvre déplorait les fruits néfastes qui apparaissaient déjà partout. Répondant au Cardinal Ottaviani, il lui écrivait :

« On peut et on doit malheureusement affirmer que, d’une manière à peu près générale, lorsque le Concile a innové, il a ébranlé la certitude de vérités enseignées par le Magistère authentique de l’Église comme appartenant définitivement au trésor de la Tradition.

« Qu’il s’agisse de la transmission de la juridiction des évêques (…), des fins du mariage, de la liberté religieuse, des fins dernières, etc..., sur ces points fondamentaux, la doctrine traditionnelle était claire et enseignée unanimement dans les universités catholiques. Or, de nombreux textes du Concile sur ces vérités permettent désormais d’en douter. Les conséquences en ont été rapidement tirées et appliquées dans la vie de l’Église. (…) «

C’est peut-être une des constatations les plus affreuses de notre époque de voir à quelle déchéance morale sont parvenues la plupart des publications catholiques. On y parle sans aucune retenue de la sexualité, de la limitation des naissances par tous les moyens, de la légitimité du divorce, de l’éducation mixte, du flirt, des bals comme moyens nécessaires de l’éducation chrétienne, etc. »

En 1984, dans sa Lettre ouverte aux catholiques perplexes, Mgr Lefebvre reviendra encore sur ce drame de la 3e Session qu’il a personnellement vécu :

« C’est le cardinal Suenens qui a proposé ce changement (des fins du mariage) et je me souviens encore du cardinal Browne, maître général des Dominicains, se levant pour dire : ‘Caveatis, caveatis !’ (Faites attention !) Si nous acceptons cette définition, nous allons contre toute la Tradition de l’Église et nous allons pervertir le sens du mariage. Nous n’avons pas le droit de modifier les définitions traditionnelles de l’Église. (…) La Constitution pastorale Gaudium et Spes n’en contient pas moins un passage ambigu où l’accent est mis sur la procréation « sans sous-estimer pour autant les autres fins du mariage ». Le verbe latin posthabere permet de traduire : « sans placer en seconde ligne les autres fins du mariage », ce qui signifierait : les mettre toutes sur le même plan. C’est ainsi qu’on veut l’entendre de nos jours : tout ce qui est dit du mariage rejoint la fausse notion exprimée par le cardinal Suenens que l’amour conjugal – que l’on a vite appelé tout simplement et beaucoup plus crûment « sexualité » – vient en tête des fins du mariage. Conséquence : au titre de la sexualité, tous les actes sont permis, tels la contraception, la limitation des naissances, enfin l’avortement. Une mauvaise définition et nous voilà en plein désordre. »

Mgr Lefebvre avait bien vu ! Maintenons donc la doctrine traditionnelle pour pouvoir en même temps maintenir

la morale dans son intégralité.

Saint Carême à tous.


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