Etats-Unis : Rome se démarque des évêques pro-vie

Source: FSSPX Actualités

Mgr Jose Horacio Gomez

Le préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi (CDF) est intervenu dans le débat qui divise l’épiscopat américain, à propos du refus de la communion aux personnalités politiques soutenant des lois contraires à l’enseignement de l’Eglise, en matière d’avortement et d’euthanasie.

Mgr Jose Horacio Gomez, archevêque de Los Angeles et président de la Conférence des évêques des Etats-Unis (USCCB), avait écrit à Rome afin d’avertir le pape que l’USCCB travaillait à établir une ligne commune devant permettre de refuser, le cas échéant, la communion sacramentelle aux hommes politiques encourageant l’avortement ou l’euthanasie.

Une réponse en demi-teinte

Le cardinal Luis Ladaria Ferrer, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, lui a adressé un courrier qui peut laisser perplexe.

Pour le haut prélat romain, l’initiative de l’USCCB revient à présenter « l’avortement et l’euthanasie comme les points les plus exigeants de la morale et de la doctrine sociale de l’Eglise » : une perspective « erronée » à ses yeux.

– Cette proposition mériterait un long commentaire. Il faut distinguer entre « plus exigeant », et « plus scandaleux », c’est-à-dire entraînant au péché. De plus, ces deux fautes frappent des individus plus démunis : le petit enfant dans le sein de sa mère, et le malade désemparé qui se voit comme un fardeau pour autrui. C’est pourquoi ils sont plus vigoureusement défendus par l’Eglise.

Plus loin, le préfet de la CDF prévient : « une ligne de conduite uniforme (décidée au sein de l’USCCB) ne saurait se substituer à l’autorité de l’évêque diocésain, seul maître en la matière ». Un avertissement singulier, alors que, depuis Vatican II, les conférences épiscopales ont pris la fâcheuse habitude de court-circuiter les ordinaires des diocèses, sans que Rome n’y voit rien à dire…

Ce qui est au cœur de la réponse romaine est plutôt le risque du scandale d’une division ouverte entre évêques américains : étant donnée sa nature « potentiellement litigieuse », la question du refus de la communion sacramentelle pourrait « devenir une source de discorde plutôt que d’unité au sein de l’épiscopat et plus largement de toute l’Eglise des Etats-Unis », aux yeux du cardinal.

Pour ce dernier, « il serait plutôt préférable d’inscrire la réflexion dans le contexte général de la dignité de la réception de la sainte communion de la part de tous les fidèles, plutôt que de se limiter à une seule catégorie de catholiques ».

– S’il est compréhensible que le danger d’une division de l’épiscopat américain puisse préoccuper le Vatican, il faut se demander pourquoi. Autrement dit, pourquoi l’application de la discipline universelle de l’Eglise, inscrite dans le droit canon, risque de diviser des évêques entre eux.

L’autorité d’une lettre du cardinal Ratzinger, alors préfet de la CDF, recadrée

L’archevêque de Los Angeles avait pourtant appuyé son initiative sur une communication privée du cardinal Joseph Ratzinger, alors préfet de la CDF, à l’adresse des prélats américains, datant de 2004.

Celui qui devait devenir le pape Benoît XVI était formel : « en ce qui concerne le grave péché de l’avortement ou de l’euthanasie, lorsque la coopération formelle d’une personne devient manifeste – comme dans le cas d’un politicien catholique faisant campagne et votant de façon constante en faveur des lois permissives sur l’avortement et l’euthanasie – son évêque devrait le rencontrer, l’instruire de l’enseignement de l’Eglise, et l’informer qu’il ne doit pas se présenter à la sainte communion tant qu’il n’aura pas mis fin à la situation objective de péché ».

Et le cardinal Ratzinger d’ajouter : « si ces mesures préalables n’ont pas eu l’effet escompté, et que la personne en question, avec pertinacité, se présente encore pour recevoir la sainte Eucharistie, le ministre de la sainte communion doit la lui refuser ».

Des propos dont le cardinal Ladaria entend relativiser la portée : « la communication du cardinal Ratzinger ne devrait être interprétée que dans le contexte plus large de la note doctrinale (de 2002) faisant autorité : c’est elle qui fournit l’enseignement du magistère sur le fondement théologique de toute initiative concernant la question de la bonne réception de la sainte communion ».

Or, la note de 2002 à laquelle fait référence le préfet de la CDF, ne donne que des principes très généraux, se bornant à rappeler que « l’obligation grave pour ceux qui sont impliqués dans les organes législatifs, à s’opposer à toute loi qui attaque la vie humaine ».

Une condition équivalant à un enterrement du projet

Pour le patron de l’ex Saint-Office, les évêques américains ont plutôt besoin d’un « dialogue large et serein entre eux et aussi avec les politiciens catholiques de leurs diocèses qui ne soutiennent pas la plénitude de l’enseignement de l’Eglise afin de comprendre la nature de leurs positions ».

Et si malgré tout, les évêques américains persistaient dans leur initiative, le cardinal Ladaria prévient : « les conférences épiscopales ne peuvent publier des déclarations doctrinales que lorsqu’elles sont approuvées à l’unanimité » ; en revanche, « une majorité seule ne suffit pas pour publication », et nécessite en dernier lieu l’approbation du Vatican.

Cette condition sonne comme une défaite pour les évêques conservateurs américains. Le Speaker de la Chambre des Représentants, la très progressiste Nancy Pelosi, ne s’y est d’ailleurs pas trompée. Interrogée par EWTN le 13 mai dernier, la démocrate – baptisée dans l’Eglise catholique – s’est dite « satisfaite » de la lettre romaine. Tout est dit.