La Passion de Jésus-Christ dans les psaumes (1)

Source: FSSPX Actualités

Les psaumes tracent un portrait admirable et poignant du Messie souffrant. Saint Pie X écrivait dans sa constitution apostolique Divino afflatu : « Sous la lettre des psaumes transparaît l’image fidèlement tracée du Christ rédempteur. » Une fois ressuscité, Notre-Seigneur fait explicitement allusion aux psaumes qui décrivent sa Passion : « Il fallait, dit-il, que s’accomplît tout ce qui est écrit à mon sujet dans la loi de Moïse, les prophètes et les psaumes » (Lc 24, 44). 

Saint Robert Bellarmin, docteur de l’Église à la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe siècle, a fait un commentaire très complet de l’ensemble du Psautier en s’appuyant sur les Pères de l’Eglise et sur les meilleurs exégètes. Il a montré comment les psaumes révèlent l’étendue des souffrances du Christ et la profondeur de son amour pour nous : « Les évangélistes, affirmait-il, pour mettre en relief la constance de Jésus-Christ et la spontanéité de sa Passion, lui font peu exprimer l’étendue et le nombre de ses douleurs, mais cela nous est appris par les prophètes Jérémie, Isaïe, en une multitude d’endroits, et surtout par le Psalmiste : Dieu a permis leurs révélations pour que le monde n’ignorât pas combien il avait été aimé dans la Passion du Sauveur1 . » Sans son amour indicible pour son Père et pour nous, Notre-Seigneur n’aurait jamais pu endurer tout ce qu’il a souffert. Aussi, demandons-lui cette grâce de reconnaître en ces Jours saints combien nous sommes aimés de Dieu afin de lui rendre amour pour amour.

Le complot ourdi contre Notre-Seigneur

Jaloux de l’autorité de Notre-Seigneur et de son rayonnement apostolique, les ennemis du Christ décident sa mort. C’est d’abord par la langue, qu’ils la décrètent. Le Psalmiste le souligne quand il dit : « Les fils des hommes […] ont pour langue un glaive aiguisé ». (Ps 56, 5)

Afin de justifier leur décision, les princes des prêtres et les anciens cherchent des témoins. Les psaumes 26 et 34 l’annonçaient en ces termes : « Des témoins iniques se sont levés contre moi, et leur iniquité s’est menti à elle-même ». (Ps 26, 12) « Des témoins iniques se sont élevés. Ils m’ont interrogé sur ce que j’ignorais. Ils m’ont rendu le mal pour le bien. » (Ps 34, 11). Ces faux témoins profèrent une parole déplorable comme le précise le psaume 40. « Ils ont prononcé une parole inique contre moi. » (Ps 40, 9) Saint Thomas d’Aquin commente ainsi ce verset. « Quelle est cette parole inique ? "Il vous est avantageux qu’un seul homme meure pour tout le peuple et non pas que toute la nation périsse [...] Dès ce jour, ils pensèrent à le faire mourir" (Jn 11, 50 et 53). »

Sans motif valable, les ennemis de Notre-Seigneur décrètent sa mort ainsi que l’annonçait le Psalmiste : « Qu’ils ne se réjouissent pas à mon sujet ceux qui m’attaquent injustement, qui me haïssent sans raison. » (Ps 34, 19) Notre-Seigneur s’est appliqué lui-même ce verset en saint Jean : « Ils m’ont haï sans raison. » (Jn 15, 25)

La langue est un glaive qui peut causer la mort du prochain en détruisant sa réputation. Nous pouvons, hélas !, être des voleurs de réputation par la médisance voire par la calomnie. Aussi, prenons la résolution durant cette Semaine sainte d’être plus bienveillants dans nos jugements et plus réservés dans nos paroles. Tâchons d’éviter ce péché d’envie si nous ne voulons pas tomber dans le même aveuglement que celui des grands prêtres et des Anciens. (Mt 27, 18)

Le déroulement de la Passion

La Passion de Notre-Seigneur est résumée dans le psaume 109 qui dépeint la divinité du Messie et son humanité. Notre-Seigneur y apparaît comme prêtre : « Tu es prêtre à jamais selon l’ordre de Melchisédech » (v. 4) et comme victime : « Il boira au torrent sur le chemin ; c’est pourquoi, il relèvera la tête » (v. 7). Ce verset évoque le torrent du Cédron, que Notre-Seigneur traverse après son arrestation au Jardin des Oliviers, mais ce torrent symbolise aussi les souffrances que Notre-Seigneur va endurer tout au long de sa Passion. Saint Grégoire dit que : « depuis le commencement du monde, le torrent de la mort coulait parmi les hommes. À ce torrent Notre-Seigneur a bu en chemin lorsqu’il a goûté à la mort pour un temps. Et il a redressé la tête lorsqu’il a relevé au-dessus des anges ce que la mort avait couché dans la tombe. » (Jacquet, p. 229)

1. L’agonie

Si les psaumes révèlent la justice et la miséricorde divine à travers les fléaux envoyés par Dieu pour punir l’homme de ses infidélités et pour le ramener à lui, ils révèlent encore ces mêmes attributs divins à travers le portrait qu’ils nous tracent du Messie souffrant. Saint Paul dit bien que « Dieu n’a pas épargné son propre Fils, mais l’a livré pour nous tous. » (Rm 8, 32), montrant par là la justice de Dieu qui n’a pas laissé le péché impuni. Mais ce don de Dieu est le fruit de sa miséricorde comme Notre-Seigneur le dit à Nicodème : « Dieu a tant aimé le monde au point de donner son Fils unique pour que tous ceux qui croient en lui ne périssent pas, mais aient la vie éternelle. Car Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour condamner le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. » (Jn 3, 16-17)

Voyons donc jusqu’où Notre-Seigneur a manifesté son amour pour nous en nous transportant en esprit au Jardin de Gethsémani. Le soir du Jeudi saint, le Christ y endure une véritable agonie. Sa souffrance est telle qu’elle le conduit à endurer un trouble et une tristesse mortels. Le psaume 54 les dépeint ainsi : « J’ai été rempli de tristesse dans mon épreuve et le trouble m’a saisi. Le trouble m’a saisi à la voix de l’ennemi et devant l’oppression du pécheur, car ils m’ont accusé de crimes et, dans leur colère, ils m’ont affligé. Mon cœur s’est troublé en moi et la frayeur de la mort est tombée sur moi. La crainte et le tremblement m’ont saisi et les ténèbres m’ont enveloppé. » (Ps 54, 3-6)

Le psaume 108 qui décrit la trahison de Judas et les conséquences dramatiques de son péché évoque également le trouble enduré par Notre-Seigneur à l’approche de sa Passion et de sa mort prochaine : « Délivrez-moi, [ô mon Père], parce que je suis pauvre et dans l’indigence, et que mon cœur est tout troublé au-dedans de moi. » (Ps 108, 20-21) Saint Robert Bellarmin commente ainsi ce passage : « Le Christ parlait ainsi pour montrer qu’il était vraiment homme, lui qui, en présence de la mort considérée telle qu’elle est, en avait effroi comme d’une chose contraire à la nature, tout en la désirant, cette mort, comme le prix de la rédemption, réglée et décrétée par son Père. »

Notre-Seigneur a voulu éprouver tous les genres de souffrances dans le but de nous permettre de les sanctifier et de les surmonter.

Il a éprouvé une angoisse et une profonde tristesse à l’approche de la mort en raison de la crainte que tout homme éprouve à l’approche de la mort, mais surtout en raison de la mort éternelle que le pécheur mérite et que Notre-Seigneur aurait voulu lui faire éviter. 

En effet, la Passion de Notre-Seigneur a eu pour cause nos fautes. C’est spécialement durant son agonie que Notre-Seigneur a porté le poids de nos péchés. Ceci explique cette parole de prime abord mystérieuse du psaume 21 : « Loin de mon salut, les paroles de mes péchés. » (Ps 21, 2) Eusèbe de Césarée commente ce verset en disant que Notre-Seigneur s’est servi de ces termes pour nous et à notre place. Notre-Seigneur dans sa Passion prenant la place du pécheur est comme identifié au péché. Saint Paul l’exprimera en disant : « Celui qui n’a pas connu le péché a été fait péché pour nous, afin qu’en lui, nous devenions justice de Dieu » (2 Co 5, 21). En s’adressant aux Galates, l’Apôtre précisera le caractère infamant du supplice de la croix que Notre-Seigneur va subir : « Le Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi, en devenant pour nous malédiction. » (Ga 3, 13)

Des psaumes manifestent sous forme imagée en quoi a consisté cette malédiction : « Votre fureur, [mon Dieu], s’est appesantie sur moi, et vous avez fait passer sur moi tous vos flots. » (Ps 87, 7) Saint Robert Bellarmin commente : « Le prophète décrit par deux figures la Passion du Sauveur et son étendue. La première nous apprend que l’étendue de la Passion a été telle que le demandait la justice de Dieu irrité contre les prévarications du genre humain, pensée qui devrait souvent servir à nos méditations. La seconde nous peint le Sauveur dans sa Passion comme un homme précipité dans la mer, sur lequel pèsent tous les flots de l’océan, et qui est porté par leur agitation et déchiré à tous les rochers. C’est ainsi que tous les péchés, toutes les peines dues aux péchés sont tombées sur le Sauveur et l’ont accablé. »

Dans le psaume 68, on retrouve la même image de l’eau qui semble engloutir le divin Maître : « Je suis enfoncé dans une boue profonde, où il n’y a pas de fond. Je suis tombé dans la profondeur de la mer, et la tempête m’a submergé. » (Ps 68, 3) La Passion de Notre-Seigneur est présentée sous la forme d’un homme sur le point de se noyer au moment où la mort atteint les parties vitales de son être par l’étouffement. 

En lisant ce passage, pensons à prier pour ceux qui connaissent aujourd’hui une mort analogue par étouffement, et discernons aussi la profondeur de l’amour de Notre-Seigneur qui a enduré cela pour nous sortir du péché et nous conduire au Ciel.

2. La flagellation

Durant le deuxième mystère douloureux, nous méditons la flagellation de Notre-Seigneur. Ce supplice effrayant était aussi annoncé dans les psaumes. 

« Leurs fouets se sont réunis contre moi, et ils ne le savaient pas. » (Ps 34, 15) Saint Augustin commente ainsi ce verset : « Jésus-Christ a été flagellé par les verges des Juifs, et il est flagellé par les blasphèmes des faux chrétiens. Ceux-ci multiplient les coups contre le Seigneur leur Dieu, et ils ne le savent pas. »

« Des laboureurs ont labouré mon dos [de coups de fouets], ils y ont tracé de longs sillons. » (Ps 128, 3) Notre-Seigneur a été frappé comme on frappe une bête ou comme on frappait les esclaves. Il a expié les fautes d’impureté par lesquelles l’homme se ravale au niveau de l’animal, c’est-à-dire d’un être sans raison, d’un être esclave de ses passions.

Le monde actuel se vautre dans l’impureté. Puisse la méditation de la Passion nous aider à la mortification des sens en limitant notamment l’usage des écrans !

3. Notre-Seigneur sur la croix

Le psaume 21 est si détaillé sur les souffrances endurées par Notre-Seigneur dans sa Passion que Cassiodore a pu dire : « Il semblerait que c’est moins une prophétie que de l’histoire. » « Ils ont percé mes mains et mes pieds, ils ont compté tous mes os. […] Ils ont partagé mes vêtements et tiré au sort ma tunique. » (Ps 21, 17 et 19) Notre-Seigneur a eu les mains et les pieds percés de clous, et ses ennemis se sont partagé ses vêtements.

Tout en révélant les souffrances endurées par Notre-Seigneur, le Psalmiste décrit aussi les blasphèmes qui fusent de partout : « Tous ceux qui me voient me tournent en dérision ; ils remuent les lèvres et hochent la tête. Il a espéré en Dieu, qu’il le délivre ; qu’il le sauve puisqu’il l’aime. » (Ps 21, 8-9) Les psaumes 68 et 108 reprennent la même idée.

Devant tant d’ingratitude et de mépris, comment Notre-Seigneur réagit-il ? Va-t-il réduire ses ennemis au silence ? Va-t-il les remettre en place par des paroles appropriées ? Va-t-il les maudire ? Eh bien, non. Le Psalmiste le dit : « Au lieu qu’ils devaient m’aimer, ils me déchiraient par leurs médisances ; mais moi, je me contentais de prier. » (Ps 108, 4) Saint Robert Bellarmin explique ce verset ainsi : « Au lieu de rendre le mal pour le mal, Notre-Seigneur priait Dieu pour ses ennemis. C’est ce qu’il fit sur la croix lorsqu’il dit : "Père, pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font". »

Le psaume 21 exprime encore une autre douleur bien mystérieuse, celle de l’abandon du Père : « Mon Dieu, mon Dieu, regardez-moi, pourquoi m’avez-vous abandonné ? » (Ps 21, 2) Au début de la première (parole en croix) et de la dernière, Notre-Seigneur s’adresse à son Père ; ici, il parle à Dieu. Les liens de filiation ont comme disparu. Notre-Seigneur est comme identifié au péché. Or Dieu et le péché ne peuvent cohabiter. En endurant cette souffrance, Notre-Seigneur nous a mérité de recouvrer la grâce qui fait de nous des enfants de Dieu et qui nous permet d’appeler Dieu « notre Père ».

La cinquième parole de Notre-Seigneur sur la croix exprime la soif intense qu’il a endurée. Elle aussi était annoncée : « Dans ma soif, ils m’ont donné du vinaigre. » (Ps 68, 21) Enfin la dernière parole de Jésus est un verset du psaume 30 : « En vos mains, je remets mon esprit. » (Ps 30, 6) Notre-Seigneur a remis son esprit entre les mains de son Père au moment où il l’a voulu, ce qui prouve une nouvelle fois sa Divinité.

A suivre

Abbé Patrick Troadec 

 

A lire : Les fins dernières dans les psaumes

  • 1 Commentaire du psaume 68, verset 1.