Le Québec à la remorque de la laïcité à la française

Source: FSSPX Actualités

Le gouvernement québécois a présenté le 28 mars 2019 son premier projet de loi sur la laïcité de l’Etat, interdisant aux fonctionnaires qui font « figures d’autorité » - ainsi les policiers, juges, procureurs, gardiens de la paix, enseignants - de porter quelque signe religieux distinctif que ce soit. 

« Au Québec, cela fait longtemps qu’on a décidé de séparer la religion et l’Etat, et cela fait plus de dix ans qu’on débat des signes religieux. Il est temps de fixer des règles parce qu’au Québec, c’est comme ça qu’on vit », a déclaré François Legault, le Premier ministre québécois, le 27 mars 2019. 

Le lendemain, les députés ont voté - et à l’unanimité de surcroît - que le crucifix trônant à l'Assemblée nationale serait décroché en cas d'adoption du projet. 

Le Premier ministre canadien a réagi le jour même du dépôt du projet de loi : « pour moi, il est impensable que, dans une société libre, nous légitimions la discrimination contre des citoyens en raison de leur religion ». Adepte du multiculturalisme, Justin Trudeau redoute surtout une polarisation des débats sur la question de l’islam. 

La nouvelle France semble donc suivre la voie ouverte par sa sœur ainée : la situation religieuse entre la Belle province et la France n’est d’ailleurs pas sans similitude. 

Une société en voie d’apostasie 

Ainsi, les Québécois, qui se déclarent catholiques pour 74% d’entre eux (chiffre de 2011) sont, à l’instar des Français, de moins en moins pratiquants et de moins en moins croyants : à peine 5% déclarent encore aller à la messe régulièrement, alors que la proportion frisait les 100% en 1960. En cinquante ans, le Québec a comme apostasié collectivement la foi et la pratique religieuse. 

Comme en France, la culture catholique au Québec est fortement ébranlée. On assiste à un véritable mouvement de sécularisation du catholicisme. Ainsi près de la moitié de la population affirme que chacun doit croire « à sa façon » ; une moitié affirme que Jésus est un « homme ordinaire ». L’aggiornamento conciliaire, co-responsable du volet religieux de la « révolution tranquille » québécoise, n'est pas pour rien dans cette situation. 

Tel est le contraste de la société québécoise : à la fois homogène du point de vue de l’appartenance religieuse déclarée, et dans le même temps détachée de toute pratique religieuse, comme si la foi, tenue captive dans le strict cadre de la conscience privée, ne pouvait plus avoir de conséquences dans la vie quotidienne des familles et des institutions. 

Forte de ce constat, la laïcité promue par le gouvernement de François Legault joue sur les deux tableaux : elle célèbre d’un côté l’histoire des descendants des Canadiens français, tous animés d’une foi profonde, tout en souhaitant gommer le plus possible les manifestations du catholicisme dans l’espace public. 

Fier de son projet de loi, le Premier ministre québécois ne craint pas d’affirmer : « nous sommes convaincus d’avoir trouvé le juste équilibre ». Il suffirait pourtant de tirer les leçons de l’Histoire : la chute a toujours été fort douloureuse pour les équilibristes de tous genres qui ont cru pouvoir impunément découronner le Christ et le bannir de la sphère publique.