L’Exhortation post-synodale sur les jeunes : un document pathétique

Source: FSSPX Actualités

L’Exhortation post-synodale sur les jeunes a été publiée le 2 avril 2019. Signée par le pape François, elle est intitulée Christus vivit (le Christ vit) et comprend 67 pages. Elle fait suite au Synode sur « les jeunes, la foi et le discernement vocationnel », d’octobre 2018.

François y souhaite une Eglise qui « met de côté les idées préconçues étroites et écoute attentivement les jeunes ». « Demandons au Seigneur de libérer l’Eglise de ceux qui la feraient vieillir, qui chercheraient à l’enfermer dans le passé, la retenir ou l’immobiliser ». Une Eglise qui reflète Jésus-Christ, selon lui, est celle qui s’efforce de « reconnaître humblement que certaines choses doivent changer concrètement, et pour cela, elle doit apprécier la vision mais aussi les critiques des jeunes ». Il espère que les jeunes seront les « protagonistes du changement », et pour cela, l’Eglise doit « humblement » les écouter.

Le pape affirme qu’au lieu de « communiquer une grande quantité de doctrines », l’Eglise devrait « d’abord essayer d’éveiller et de consolider les grandes expériences qui soutiennent la vie chrétienne ». « Une Eglise sur la défensive, qui n’a plus l’humilité, qui cesse d’écouter, qui ne permet pas qu’on l’interpelle, perd la jeunesse et devient un musée », ajoute-t-il. 

Il récuse une « pastorale des jeunes pure et parfaite, marquée par des idées abstraites » et appelle de ses vœux une pastorale des jeunes « populaire ». François dit qu’il n’est pas nécessaire « d’accepter pleinement tous les enseignements de l’Eglise », et préconise une « pastorale des jeunes capable d’être inclusive, avec de la place pour toutes sortes de jeunes, pour montrer que nous sommes une Eglise aux portes ouvertes ».

Selon lui, les institutions éducatives catholiques devraient « chercher à accueillir tous les jeunes, quels que soient leurs choix religieux, leurs origines culturelles et leurs situations personnelles, familiales ou sociales ». « Ce faisant, l’Eglise apporte une contribution fondamentale à l’éducation intégrale des jeunes dans les parties du monde les plus diverses. Elles [les institutions éducatives catholiques] réduiraient trop leur rôle si elles établissaient des critères rigides pour l’admission des étudiants ou pour leur maintien, parce qu’elles priveraient de nombreux jeunes d’un accompagnement qui contribuerait à enrichir leur vie », déclare-t-il.

Le pape va jusqu’à dire que « la morale sexuelle tend souvent à être une source d’incompréhension et d’aliénation vis-à-vis de l’Eglise, dans la mesure où elle est considérée comme un lieu de jugement et de condamnation ».

Une Eglise à l'écoute qui n'enseigne plus

Sur Life Site News le 2 avril, Maike Hickson établit un parallèle saisissant entre ces affirmations du pape François et les propos du cardinal Carlo Maria Martini dans son livre-entretien avec le jésuite Georg Sporschill, Le rêve de Jérusalem : conversations sur la foi, les jeunes et l’Eglise (Desclée de Brouwer, 2009). Ce prélat ultra-progressiste voulait, lui aussi, écrit-elle, « une Eglise “à l’écoute”, qui enseigne moins et écoute plus. C’est lui qui affirmait que “nous ne pouvons rien enseigner aux jeunes. Nous ne pouvons que les aider à écouter leur maître intérieur”. Le cardinal italien rêvait “d’une Eglise qui ferait une place à ceux qui pensent en dehors des sentiers battus”, et il déplorait ces prélats qui “sont encore assis derrière des murs trop épais, soit dans de nouveaux bureaux, soit dans de vieux palais”. Comme François dans son nouveau document, Martini, lui aussi, était souvent sévère pour l’enseignement moral : “L’Eglise a beaucoup trop parlé du péché” ». 

Sur son blogue le 4 avril, Aldo Maria Valli dénonce une « aversion insidieuse pour la doctrine » dans Christus vivit. Il cite en particulier le n°212 où François écrit : « Dans certains endroits, il arrive que, après avoir suscité chez les jeunes une expérience intense de Dieu, une rencontre avec Jésus qui a touché leur cœur, on leur offre ensuite seulement des réunions de “formation” où sont uniquement abordées des questions doctrinales et morales : sur les maux du monde actuel, sur l’Eglise, sur la doctrine sociale, sur la chasteté, sur le mariage, sur le contrôle de la natalité et sur d’autres thèmes. Le résultat est que beaucoup de jeunes s’ennuient, perdent le feu de la rencontre avec le Christ et la joie de le suivre, beaucoup abandonnent le chemin et d’autres deviennent tristes et négatifs. Calmons l’obsession de transmettre une accumulation de contenus doctrinaux, et avant tout essayons de susciter et d’enraciner les grandes expériences qui soutiennent la vie chrétienne ».

Et Aldo Maria Valli de commenter : « Ce passage est significatif parce qu’il montre que le document a été écrit non pas tant en tenant compte des besoins et des exigences des jeunes d’aujourd’hui, mais sur la base des idiosyncrasies de certains anciens jeunes, aujourd’hui âgés, liés à l’idée que “les questions doctrinales et morales” ne comptent pas et ne font qu’ennuyer.

« Ceux qui travaillent avec les jeunes savent qu’à notre époque, le problème n’est pas d’offrir des “expériences intenses” et des occasions de rencontres fortes d’un point de vue émotionnel. Ils peuvent en trouver partout, parce que le monde les offre en abondance. Ce que les jeunes demandent, peut-être d’une manière confuse mais pas moins évidente, c’est le contraire. Puisqu’ils vivent dans une société “liquide”, pleine d’expériences possibles mais sans repères moraux et sans aucun sens rationnel, ils ont soif de doctrine, de pensée structurée, de contenu, de règles, et quand ils trouvent quelqu’un qui puisse satisfaire leur soif, ils ne s’ennuient pas du tout, mais sont reconnaissants, car ils découvrent de nouveaux horizons, dont on ne leur a jamais parlé. Et ils découvrent la valeur de l’autorité ».

Non sans cruauté, le journaliste italien compare le n°212 de Christus vivit avec l’enseignement limpide de saint Pie X dans Acerbo nimis, l’encyclique sur l’enseignement de la doctrine chrétienne (1905), « où est affirmée l’importance essentielle de la doctrine, parce que “l’intellect – s’il lui manque la vraie lumière, c’est-à-dire la connaissance des choses divines –, sera comme un aveugle qui prête son bras à un autre aveugle, et ils tomberont dans la fosse tous les deux” ».

Et de souligner le stupéfiant anachronisme d’une pastorale « synodale » et « populaire » de soixante-huitards attardés qui se croient « à l’écoute » des jeunes d’aujourd’hui.