Un nouveau danger : le cléricalisme ?

Source: FSSPX Actualités

Il semble que le pape François et les membres de la curie soient devenus de fervents disciples de Léon Gambetta, député radical et franc-maçon, qui s’écriait à la Chambre en 1877 : « Le cléricalisme, voilà l’ennemi ! ». Dénonciation qui allait aboutir en 1905 à la séparation de l’Eglise et de l’Etat en France. 

Depuis le début de son pontificat, le pape François n’a de cesse d’invoquer le cléricalisme pour le dénoncer, comme s’il constituait l’un des maux dont souffre le plus l’Eglise actuelle. Ainsi, lors de son voyage au Mozambique, le 5 septembre 2019, le pape a eu des mots très durs : « Le cléricalisme est une véritable perversion dans l’Eglise. (…) Le cléricalisme prétend que le berger se tient toujours devant [le troupeau], établit un parcours et punit d’excommunication ceux qui quittent le troupeau. C’est précisément le contraire de ce que Jésus a fait. Le cléricalisme condamne, sépare, fruste, méprise le peuple de Dieu. » 

Le pape revient souvent sur le sujet, sans jamais vraiment définir ce qu’il entend par ce terme. Selon le dictionnaire de l’Académie Française, le cléricalisme désigne : « la doctrine attribuée à ceux qui passent pour vouloir étendre l’influence du clergé dans les affaires publiques ». Il ne s’agit visiblement pas de cela. 

Il s’agit plutôt d’une attitude, d’un orgueil de caste, de chef, qui entraîne dans son sillage des abus de diverses sortes : abus de pouvoir, mépris des petits, rigidité face à certains problèmes pastoraux, surtout d’ordre moral. 

De plus, selon François, le cléricalisme cacherait souvent de « graves problèmes », de « profonds déséquilibres », voire des « problèmes moraux » chez le clerc lui-même. C’est pourquoi il est important à ses yeux d’en dénoncer l’émergence et de lutter constamment contre son développement. 

Un écho pathétique de la pensée pontificale se retrouve dans le Chemin synodal allemand qui l’utilise pour pointer du doigt le pouvoir sacerdotal comme élément principal dans la crise des abus. C’est parce que ce pouvoir n’est pas encadré, qu’il n’est pas contrôlable par les laïcs en particulier, que cette crise aurait pris une telle ampleur. C’est pourquoi il faudrait entièrement revoir tout le système de pouvoir dans l’Eglise. Telle est la révolution en marche dans l’Eglise d’Allemagne. 

Le cardinal Ouellet veut promouvoir la place des femmes  

Le 24 avril 2020, le cardinal Marc Ouellet, préfet de la Congrégation pour les évêques, a donné à Donne Chiesa Mondo, le supplément féminin mensuel de L’Osservatore Romano, une autre raison pour expliquer le cléricalisme : le manque de relations et d’interactions avec des femmes dans la formation sacerdotale. Cette « absence d’interaction entre les sexes » dans la formation et la vie des prêtres pourrait conduire à de graves problèmes, dit-il : « il y a le risque de développer une compensation… qui peut être de type alimentaire, ou s’exprimer dans l’exercice du pouvoir, ou dans des relations fermées, une fermeture qui devient manipulation, contrôle... et qui peut conduire à des abus de conscience et des abus sexuels ». 

Cette approche fait fi de la notion véritable de l’autorité, qui est naturelle et nécessaire à toute société, parce qu’elle est bienfaisante. Celui qui possède un certain pouvoir ne l’exerce pas pour lui-même, mais pour ceux qui lui sont confiés. Ce n’est pas parce que certains abusent du pouvoir dont ils sont revêtus qu’il faut saper l’autorité elle-même. C’est la grande illusion des révolutionnaires qui deviennent, si tôt la révolution installée, de vrais tyrans. 

Surtout, le pouvoir surnaturel confié au pape et aux évêques qui forment l’Eglise enseignante, et aux prêtres par délégation, est sacré et intouchable. Il n’appartient à aucun homme, fût-il pape, de le modifier si peu que ce soit. Vouloir faire participer les laïcs à ce pouvoir contrevient non seulement à la saine doctrine de l’Eglise, mais ne peut que déboucher sur l’anarchie avec la constitution de hiérarchies parallèles et de pouvoirs concurrents. D’ailleurs, qu’est-ce qui empêcherait ces laïcs, eux aussi, de céder au vertige du pouvoir, comme c’est déjà le cas dans les commissions et les comités qui pullulent à tous les échelons de l’Eglise moderne ? 

Ce qu’il faut de tout urgence, c’est redonner au clergé une formation au sens plein du terme, ce qui suppose une véritable éducation chrétienne. Il faut lui redonner le sens de sa dignité, le guider dans une vie de conversion et de sainteté, en cultivant les vertus proprement sacerdotales. C’est le seul moyen de combattre efficacement la tentation de commettre des abus de pouvoir. Mais qui comprend aujourd’hui ce langage ? Il faudrait pour cela revenir à la Tradition de l’Eglise, à l’école des maîtres et des anciens, des coutumes multiséculaires forgées par la chrétienté. Impensable !