Lettre aux amis et bienfaiteurs - Décembre 2015

L'homme, de sa nature, est un être raisonnable ; il ne peut, comme l'animal dépourvu de raison, n'agir que par l'instinct : ce qui le distingue de tous les autres êtres de la création terrestre, c'est d'être doué de la raison et de la liberté ; la raison doit donc être, dans l'homme, souveraine ; mais, en qualité de créature, soumise elle-même à la volonté divine dont elle dépend et qui se manifeste par la loi naturelle et les lois positives.

Conscience et loi naturelle

Chers Amis et Bienfaiteurs,

Les choses vont mal : le Synode d’octobre a malheureusement ouvert beaucoup de portes sur des questions de morale qui ne peuvent changer, et tout récemment, le 15 novembre dernier lors de sa visite au temple luthérien de Rome, le Pape suggéra qu’une protestante pouvait recevoir la sainte communion si elle pensait bien faire.  Cela nous oblige à revoir certains éléments fondamentaux de la morale catholique.

Qu’est-ce qui rend une action bonne moralement ?  Qu’est-ce que la conscience ?  La loi naturelle ?  Voilà des notions tellement élémentaires que nous pensons parfois que tout le monde les connaît.  Mais il faut se rendre à l’évidence, même des princes de l’Église les ont oubliées.

Prenons un exemple très simple.  Un menuisier a besoin d’un morceau de bois de 23 cm.   Il prend un ruban à mesurer, et mesure la longueur exacte dont il a besoin.  Le ruban à mesurer est la référence objective pour ces 23 cm.  Plus tard il pourra certifier que ce morceau de bois mesure bien 23 cm car il l’a mesuré précisément.  Dans nombre de métiers, les apprentis apprennent à se soumettre à toutes sortes de mesures fixes.  C’est la vie.

Notre vie morale suit le même parcours.  Une action quelconque est comme le morceau de bois de l’exemple ci-dessus.  Le ruban à mesurer est la loi de Dieu inscrite dans nos cœurs, dans notre nature humaine – voilà pourquoi elle s’appelle la loi naturelle—, ou contenue dans la révélation et enseignée par l’Église – voilà la loi positive.  Nous sommes le menuisier, et la conscience, c’est tout simplement l’œil du menuisier qui vérifie la mesure avant de couper le morceau de bois : si l’action correspond à la ‘mesure’ de la loi divine, elle est bonne ; sinon nous ‘sentons’ qu’elle est mauvaise et donc doit être évitée.  Pas besoin d’aller à l’école pour apprendre les bases de la loi naturelle, qui ne sont que les Dix Commandements écrits dans tous les cœurs.  Cependant, parfois il y a des erreurs de ‘mesure’, et alors l’instruction est nécessaire, c’est-à-dire qu’il faut former sa conscience.

Par exemple, quand les missionnaires O.M.I. se sont rendus sur la côte arctique du Canada il y a plus d’un siècle, ils se sont aperçus que les Inuit pratiquaient l’euthanasie des malades et personnes âgées qui devenaient un poids pour la tribu.  Leur conscience était erronée, leurs ‘mesures’ étaient fausses.  Les missionnaires leur expliquèrent la loi naturelle et divine, ‘réglèrent leur instrument de mesure morale’, c’est-à-dire formèrent leur conscience, et les aidèrent ainsi à suivre ce qui est moralement objectivement bon.

Le grand Dom Marmion parle de tout cela dans son classique Le Christ, Vie de l’âme :

L'homme, de sa nature, est un être raisonnable ; il ne peut, comme l'animal dépourvu de raison, n'agir que par l'instinct : ce qui le distingue de tous les autres êtres de la création terrestre, c'est d'être doué de la raison et de la liberté ; la raison doit donc être, dans l'homme, souveraine ; mais, en qualité de créature, soumise elle-même à la volonté divine dont elle dépend et qui se manifeste par la loi naturelle et les lois positives.

Pour être « vraie » — et c'est la première condition requise pour être agréable à Dieu — toute action humaine doit donc être conforme à notre condition de créature libre et raisonnable, soumise à la volonté divine ; autrement, elle ne répond pas à notre nature, aux propriétés qui en dérivent, aux lois qui la régissent ; elle est fausse.

N'oubliez pas que la loi naturelle est quelque chose d'essentiel dans l'ordre de la religion.  Dieu pouvait ne pas me créer ; mais après avoir été créé, je suis et demeure créature, et les relations qui se fondent pour moi sur cette qualité sont immuables ; on ne peut concevoir, par exemple, qu'un homme pût être créé, auquel il serait loisible de blasphémer son Créateur.

Ajoutons, comme un cardinal eut la sagesse de le dire pendant le synode, que quelqu’un peut agir contre sa conscience et ‘endormir’ sa conscience, ou ‘falsifier les mesures’ par la répétition de péchés.  Ces actes demeureront tout de même objectivement mauvais, et même dans ce cas subjectivement mauvais aussi malgré le fait que sa conscience cesse de condamner l’acte.

L’enseignement moderne selon lequel une action est moralement bonne si on suit sa conscience même sans aucune référence à la loi morale objective – le ‘ruban à mesurer’ – équivaut à enlever tous les instruments de mesure des mains des menuisiers et de les laisser tout mesurer ‘à l’œil’ : « Ceci est à peu près 23 cm ».  Quelques-uns des meilleurs y arriveraient, mais la plupart se tromperaient et construiraient des choses bancales.  Voilà ce qui se passe quand on laisse aux gens décider d’eux-mêmes ce qui est moralement bon ou mauvais : les meilleurs peuvent tomber juste ; la plupart se trompent, et se trouvent des excuses pour justifier leurs erreurs.

Notre-Seigneur a envoyé ses Apôtres pour enseigner toutes les nations à observer tout ce qu’il leur avait commandé.  L’Église catholique est responsable de cette mission apostolique jusqu’à la fin des temps.  Les hommes d’Église qui n’enseignent plus la loi morale nécessaire au salut et qui laissent les gens suivre leur conscience aveuglément trahissent le commandement de Notre-Seigneur.

 ****************************

Quelques nouvelles du district : Nous avons eu le bonheur d’avoir la visite de Mgr Tissier de Mallerais du 30 octobre au 9 novembre.  Monseigneur a conféré le sacrement de confirmation à 67 personnes en tout aux endroits suivants : Lévis et Montréal (QC), Ottawa et St. Catharines (ON) ainsi que Langley et Nanaimo (BC).  De plus il assista à la réunion annuelle des prêtres à Saint-Césaire, où il donna aux 16 prêtres présents trois conférences très intéressantes sur la préparation providentielle de la FSSPX dans la vie de notre fondateur, Mgr Marcel Lefebvre.

Enfin, ces dernières semaines, j’ai eu la grande joie de prêcher une retraite à nos soeurs de la troisième branche de la Fraternité, les Soeurs Missionnaires de Jésus et Marie, basées à Nairobi, au Kenya.  S’il y a des demoiselles de 35 ans et moins qui sentent l’appel pour les missions, ce pourrait être la réponse.  Fondées en 2011, elles sont maintenant déjà 18, venant de sept pays différents (mais pas encore du Canada!), et les vocations continuent d’arriver. Je les recommande à vos prières.

En Jésus et Marie,

Daniel Couture

Supérieur du District