Lettre aux amis et bienfaiteurs - Mai 2019

Elle a choisi la meilleure part

Chers Amis et Bienfaiteurs

Les mêmes causes produisent les mêmes effets : un bon arbre produit de bons fruits, un mauvais arbre en produit de mauvais. Ainsi, la sainte messe - l’offrande du « Sang qui fait germer les vierges » - ce bon arbre, est source de vocations, les bons fruits, depuis toujours.

En touchant à la doctrine des bonnes œuvres, Luther en vint logiquement à changer l’œuvre par excellence, i.e.la sainte Messe, inspiratrice de par sa nature sacrificielle de toutes les bonnes œuvres. Parmi celles-ci, dans un écrit de 1521, Luther attaqua tout particulièrement les vœux monastiques (que lui-même avait prononcés), rejetant la distinction entre les moines et le reste des baptisés, essayant de démontrer que les trois vœux monastiques s’opposent à la liberté de l’Évangile. Son pamphlet eut des effets ravageurs, vidant nombre de couvents d’Allemagne et d’ailleurs. Lui-même d’ailleurs mit sa doctrine en pratique en épousant en 1525 Catherine de Bora qu’il avait fait sortir de son convent deux ans auparavant avec huit autres religieuses.

À la même époque, la Providence suscitait un puissant antidote à cet esprit protestant : saint Ignace de Loyola avec ses Exercices Spirituels et sa Compagnie de Jésus. Il s’agissait bien d’une lutte gigantesque entre Deux Étendards, lutte de deux mentalités. Pour en venir au point précis qui nous concerne ici, dans ses Règles pour sentir avec l’Église, saint Ignace en donne deux concernant la vie religieuse visant les erreurs de Luther :

  • 356 Quatrième règle. Louer beaucoup les ordres religieux, la virginité et la continence et ne pas louer autant le mariage.

     
  • 357 Cinquième règle. Louer les voeux de religion, d'obéissance, de pauvreté, de chasteté, et les autres par lesquels on s'oblige à des oeuvres de surérogation et de perfection. (…)

Ce ne fut donc pas surprenant, 450 ans plus tard, avec la réforme liturgique néo-protestante des années 1960 qui touche à la nature du saint sacrifice de la messe et donc à l’esprit de sacrifice qui en découle, que des conséquences graves concernant les vocations sacerdotales et religieuses se produisissent. Cela ne tarda pas !

À peine une année après la clôture du Concile, Mgr Lefebvre, dans sa lettre au Cardinal Ottaviani, faisait un constat douloureux de cet aggiornamento,« de la difficulté (que plusieurs ont) de saisir ces erreurs qui sont partout diffuses ; le mal se (situant) surtout dans une littérature qui sème la confusion dans les esprits par des descriptions ambiguës, équivoques, mais sous lesquelles on découvre une nouvelle religion ».  Or, parmi les points fondamentaux de la doctrine traditionnelle désormais ébranlés, il donne en premier :

  • Les doutes sur la nécessité de l'Église et des sacrements entraînent la disparition des vocations sacerdotales.

     
  • Les doutes sur la nécessité et la nature de la ‘conversion’ de toute âme entraînent la disparition des vocations religieuses, la ruine de la spiritualité traditionnelle dans les noviciats, l'inutilité des missions.

Les cinquante années qui ont suivi n’ont fait que confirmer ce jugement du grand missionnaire. Ici au Québec, la plupart des communautés religieuses n’ont plus de vocations depuis 25, 30 ans, et meurent les unes après les autres.

Alors que nous avons besoin plus que jamais d’un saint Benoît et d’une sainte Thérèse de Lisieux, ces contemplatifs qui ont changé l’histoire du monde, qu’il est triste de constater que le Pape François, dans certains de ses actes, continue cet ébranlement de la vie religieuse, et précisément celle des contemplatifs, si nécessaire à la vie de l’Église.  Celle-ci, à la suite de son Divin Maître, a toujours enseigné la priorité de la vie contemplative sur la vie active. « Marie a choisi la meilleure part. » (Luc, X, 42)

Dans son exhortation Gaudete et Exsultate du 19 mars 2018 sur l’appel à la sainteté dans le monde actuel, tout en louant « la contemplation également (nécessaire) au sein de l’action », c’est-à-dire en termes traditionnels, « l’âme de tout apostolat », le rôle de Marthe, il décourage explicitement la vie purement contemplative, cloîtrée, la part de Marie, pourtant celle préférée par Notre-Seigneur.  « Il n’est pas sain d’aimer le silence et de fuir la rencontre avec l’autre, de souhaiter le repos et d’éviter l’activité, de chercher la prière et de mépriser le service » (n. 26) comme si ce qui relevait immédiatement de l'amour de Dieu était moindre que l’amour du prochain. Pourtant saint Thomas enseigne clairement : « Ce qui ressort plus directement à l'amour de Dieu est par nature plus méritoire que ce qui relève directement de l'amour du prochain pour Dieu ». (2a2ae, Q. 182, a. 2)

Un peu plus loin dans son texte, le pape continue dans le même sens, comme si se consacrer à sa propre sanctification pour l’amour de Dieu, ce qui est en fait le but de toutes les congrégations religieuses, était du pélagianisme, « une autosatisfaction égocentrique et élitiste dépourvue de l’amour vrai », qui se manifeste par « l’ostentation dans le soin de la liturgie, de la doctrine et du prestige de l’Église » (n. 57) Et il ajoute : « Souvent, contre l’impulsion de l’Esprit, la vie de l’Église se transforme en pièce de musée ou devient la propriété d’un petit nombre. Cela se produit quand certains groupes chrétiens accordent une importance excessive à l’accomplissement de normes, de coutumes ou de styles déterminés » (n.58). Et voici la clé de cette nouvelle conception de la vie religieuse, surtout contemplative : « trouver dans le trésor de l’Église ce qui est le plus fécond pour l’aujourd’hui du salut. Il ne s’agit pas d’appliquer des recettes ni de répéter le passé… » (n.173). C’est le modernisme dans la vie religieuse : il faut s’adapter au temps présent à tous les niveaux.

Mais qui nous dit que ce qui est aujourd’hui est plus fécond que ce qui était hier ? Ne voyons-nous pas en un petit demi-siècle les mauvais fruits des réformes conciliaires en ce qui concerne la vie religieuse ? Que diraient les saints fondateurs des grands Ordres religieux qui, eux, ont porté tant de fruits multiséculaires ?

Notre combat pour la sainte messe comprend donc intimement un combat pour la vie religieuse, partie intégrante et nécessaire de la note de sainteté de l’Église. C’est ce que le pape Pie XII disait spécifiquement aux parents peu avant le Concile dans son encyclique sur la Sainte Virginité, que je recommande à tous de relire : https://sspx.ca/fr

« Nous exhortons en outre — comme la conscience de Notre charge apostolique Nous en fait un devoir — les pères et les mères de famille pour qu’ils consentent volontiers à offrir au service du Seigneur ceux de leurs enfants qui s’y sentent appelés. Si cela leur coûte, s’ils en éprouvent de la tristesse ou de l’amertume, qu’ils méditent attentivement ces paroles que saint Ambroise adressait aux mères de Milan : « J’ai connu des jeunes filles qui voulaient se consacrer à Dieu et qui en ont été empêchées par leur mère… Si c’était un homme que vos filles voulaient aimer, les lois leur permettraient de choisir celui qu’elles désirent. S’il leur est permis de choisir un homme, ne leur est-il pas permis de choisir Dieu ? » 

« Que les parents pensent au grand honneur qui rejaillit sur eux avec un fils qui reçoit la prêtrise ou une fille qui consacre sa virginité au divin Époux. Parlant des vierges sacrées, le même évêque de Milan disait : « Parents, vous avez entendu… la vierge est un don de Dieu, une oblation de son père, le sacerdoce de la chasteté. La vierge est l’hostie de sa mère, dont le sacrifice quotidien apaise la colère de Dieu ». » (nn. 67-68)

En ce mois de la très sainte Vierge Marie, n’oublions pas les vocations dans nos prières quotidiennes, parlons-en avec admiration aux jeunes à chaque fois qu’une occasion se présente, telle une entrée au couvent ou au séminaire, une ordination ou une profession.  Prions le Maître de la moisson pour nos huit séminaristes canadiens en formation, pour que de nombreux autres les suivent, et pour les religieux et religieuses aussi.

Abbé Daniel Couture