Lettre aux amis et bienfaiteurs – novembre 2021 : "Moralité des vaccins"

L’une des questions les plus brûlantes de l’époque actuelle est celle des vaccins. Plusieurs prêtres ont répondu à diverses questions sur ce sujet, et je voudrais utiliser cette lettre pour répondre à certaines des questions les plus courantes.

 

Le gouvernement détient-il le pouvoir d’imposer la vaccination ?

La réponse à cette question est simple : non. Les parents ont le droit de décider quel traitement médical leurs enfants devraient recevoir, et les adultes ont le droit de décider pour eux-mêmes. Par exemple, un adulte qui se voit offrir un traitement extraordinaire pour combattre une maladie peut, de manière prudente, décider de le rejeter compte tenu des circonstances. Mais lorsqu’un juge britannique, à l’encontre du désir des parents d’Alfie Lamb, a tranché que celui-ci doit être privé d’un respirateur artificiel, le juge a ainsi piétiné le droit des parents puisqu’il leur appartenait de décider, et non au gouvernement. De fait, un traitement médical ne peut être imposé qu’à une personne reconnue coupable d’un crime.

Cela signifie-t-il donc que la vaccination obligatoire constitue un abus de pouvoir ?

Oui. On doit aussi dire que les règles qui forcent des employés non-vaccinés à démissionner sont une grave injustice.

Quelle est l’attitude appropriée face à un abus de pouvoir ?

Il faut d’abord noter que le pouvoir de l’État ou de l’Église n’est pas le même que le pouvoir parental. Les parents ont un pouvoir dominatif sur leurs enfants. Ils peuvent tout ordonner à leurs enfants mineurs, sauf de commettre le péché. Les autorités de l’État et de l’Église jouissent d’un pouvoir légal, lequel est limité. Le papa de René peut dire à René à quelle heure il doit aller au lit, mais le gouvernement ne peut dire ni à René ni à son papa à quelle heure ils doivent se coucher.

Saint Thomas d’Aquin a résumé les enseignements de l’Église quant à la manière dont nous devons considérer une loi injuste[i]. Les lois de Dieu ne peuvent jamais être injustes (étant donné qu’il est Lui-même la loi) ; par conséquent, nous sommes toujours tenus de leur obéir. Toutefois, les lois définies par l’homme peuvent être injustes, soit parce qu’elles s’opposent à la loi de Dieu, ou parce qu’elles portent atteinte à quelque bien humain. Si une loi injuste s’oppose à la loi de Dieu, on ne peut lui obéir même au prix de sa propre vie. Saint Thomas More s’était vu ordonner de reconnaître Henry VIII en tant que chef de l’Église. Il s’agissait d’un mensonge qui, en tant que tel, s’opposait à la loi de Dieu. Thomas More a préféré être mis à mort plutôt que de souscrire à ce mensonge.

Si toutefois une loi humaine ne contredit pas directement la loi de Dieu tout en étant très pénible, ou si cette même loi est conçue par le législateur en vue d’un quelconque motif ultérieur, ou, tout simplement, si c’est quelque chose que le législateur n’a pas le pouvoir d’ordonner, cette même loi ne saurait obliger en conscience. Si le gouvernement requiert que mes enfants subissent des cours d’endoctrinement laïc et que je refuse, je ne commets pas là un péché, bien que je désobéisse ainsi à une loi.

Soulignons la différence : si une loi injuste va à l’encontre de la loi de Dieu, je ne peux pas lui obéir. Mais si une loi ne va pas à l’encontre de la loi de Dieu, je ne suis pas tenu de m’y soumettre, quoiqu’il me faille juger de la situation : si me soumettre à la loi peut conduire à un plus grand bien, je peux alors me soumettre à une exigence injuste. C’est ce que Notre Seigneur a voulu signifier lorsqu’Il a dit : « À celui qui veut t’appeler en justice pour t’enlever ta tunique, abandonne-lui encore ton manteau » (Mt 5,40). Il nous a en donné l’exemple lorsqu’il s’est soumis à la sentence injuste des grands prêtres et de Pilate, et qu’Il s’est donné Lui-même en mourant afin de nous sauver contre nos péchés.

Je peux comprendre que le gouvernement n’a aucun droit de me forcer à prendre le vaccin, mais ne dois-je pas le prendre de toute façon ?

Il y a un sérieux enjeu moral à propos de recevoir les vaccins communément disponibles contre le COVID-19. Cet enjeu concerne le fait qu’ils ont été élaborés en recourant à des cellules obtenues de bébés assassinés par avortement. Nous nous pencherons plus loin sur cet aspect. Pour le moment, faisons abstraction de ce fait et imaginons-nous que les vaccins ne posent pas un problème moral de cet ordre.

Afin de décider pour moi-même et pour mes enfants s’il faut ou non recevoir ce vaccin, il me faut user de la vertu de prudence. Celle-ci est une vertu morale et intellectuelle par laquelle nous prenons des décisions aptes à l’atteinte de nos objectifs bons, et ultimement de notre but final. Ainsi, avant de subir un traitement médical, il me faut peser le pour et le contre quant au traitement en question. Quelle est la probabilité que je tombe gravement malade si j’attrape le virus ? Que le vaccin m’empêche effectivement d’être atteint de cette grave maladie ? Que je sois frappé par l’un des effets secondaires graves associés à l’inoculation d’un vaccin particulier ? Il me faut mesurer toutes les circonstances, comme mon âge, mon état de santé, ma responsabilité envers autrui, la pression qui m’est imposée par mon employeur d’accepter le vaccin sous peine de perdre mon travail, mon devoir envers le bien commun et comment je peux contribuer à celui-ci en refusant de me soumettre à un ordre injuste.

Les vaccins sont élaborés à partir de cellules obtenues par des avortements. Comment pourrais-je possiblement accepter de me le faire inoculer ?

Nous pouvons considérer cette question en elle-même ou en fonction des circonstances concrètes.

En elle-même. Commettre un péché est mal, mais il n’est pas nécessairement mal d’être mêlé à un péché. Simon de Cyrène a aidé les assassins déicides en transportant pour eux l’instrument de mort au Calvaire, mais il n’a pas ainsi péché. Tout comme il n’est pas nécessairement peccamineux de recevoir une greffe de peau provenant d’une personne assassinée, tout comme de recevoir des biens volés. Normalement, je ne dois pas, mais si j’étais réellement en danger de mourir de faim, il ne serait pas immoral de recevoir une pièce de monnaie volée afin d’acheter de la nourriture. Ceci explique pourquoi il peut être justifiable de recevoir le vaccin dans la mesure où de suffisantes et graves raisons imposeraient un tel choix. La théologie désigne par le « principe du volontaire indirect » le principe qui est ainsi en jeu. Je puis donc commettre un acte qui un effet à la fois bon et mauvais, mais à condition que : 1) l’acte soit bon en lui-même ou à tout le moins indifférent quant à ses conséquences ; 2) que son effet immédiat soit bon ; 3) que mon intention soit bonne ; et 4) que j’aie une raison proportionnellement grave d’agir ainsi. Par exemple, un musicien d’orchestre qui joue pour un film immoral : bien entendu, il coopère ainsi avec le mal (le film immoral), mais ce qu’il accomplit lui-même (jouer du hautbois) n’est pas mal en soi. Le musicien ne pèche pas s’il a une raison proportionnellement grave (il ne peut trouver d’autre emploi pour faire vivre sa famille). 

Dans le concret, la vaccination massive de la population mondiale peut servir à légitimer et à normaliser le crime qu’est l’avortement. C’est pourquoi la chose correcte à faire pour les autorités au sein de l’Église serait de déclarer un boycott de ces vaccins, ce qui, inévitablement, conduirait à l’élaboration de vaccins non-entachés dans la mesure où ceux-ci sont nécessaires. Faute d’une telle directive émise par l’autorité, je suis donc tenu de juger par moi-même si je peux justifier par une raison proportionnelle de bénéficier d’un fruit de l’avortement en acceptant le vaccin (c’est-à-dire que je ne prends pas part, concrètement, au crime de l’avortement, ni que je sois d’accord avec celui-ci, mais j’en bénéficie contre ma volonté).

Pourquoi la FSSPX n’a-t-elle pas déclaré un boycott ?

Parce que la FSSPX ne constitue pas l’autorité au sein de l’Église. Il s’agit d’une société de vie commune dont la juridiction sur les fidèles n’est pas ordinaire mais de suppléance.

La FSSPX soutient-elle ceux qui cherche à être exemptés de la vaccination obligatoire ?

Absolument. Il y a deux principes moraux en fonction desquels est justifiable l’exemption à l’imposition du vaccin : la coopération au crime de l’avortement et le fait que la prise d’un traitement médical doit reposer sur le libre choix de la personne et non sur la coercition. En annexe à la présente lettre est fourni un document qui explique aux employeurs et autres les raisons pour lesquelles un Catholique traditionaliste détient en toute justice et vérité le droit à l’exemption – invoquant en cela ses droits fondamentaux.

Pourquoi la FSSPX n’alerte-t-elle pas les fidèles sur le fait que les vaccins : 1) sont très dangereux ; 2) qu’ils altèrent l’ADN humain ; et 3) sont simplement une manière de nous pousser dans le Nouvel Ordre Mondial ?

Toutes ces affirmations sont possibles et chacun est libre d’avoir son opinion à leur sujet. Mais il est au-delà du ressort du prêtre d’émettre des jugements et d’enseigner aux fidèles à propos de l’efficacité ou de la sécurité des vaccins. De façon similaire, tandis qu’il est théologiquement et historiquement certain qu’un monde rejetant le Christ est comme un train express vers l’enfer, il est une question disputée que le vaccin constitue un billet aller-simple sur ce train, et chaque prêtre reste libre d’avoir et d’exprimer sa propre opinion en dehors de la chaire.

Un article récemment publié par la FSSPX affirme que nous devons recevoir le vaccin dans un esprit de charité ?

L’article dit qu’il y a des cas où la charité peut nous indiquer de prendre le vaccin.  Par exemple, quand, par hypothèse, c’est la seule manière pour un prêtre d’avoir accès à une personne agonisant sans les derniers sacrements. Il s’agit d’un cas évident où la complicité matérielle avec le crime de l’avortement (inclus dans le processus de fabrication du vaccin) serait clairement justifiée par le principe du volontaire indirect. Et tout effet secondaire possible sur la santé serait subordonné au principe qu’il me faut toujours préférer le bien spirituel urgent de mon prochain à ma propre santé corporelle. Mais de conclure de l’éventualité que nous venons d’esquisser que toute prise du vaccin serait charitable, ce serait commettre la même erreur que celui qui déduit du fait que tous les saumons sont des poissons que tous les poissons sont des saumons.

Mais l’article ne mentionne pas les cas où nous devons refuser le vaccin ?

L’article établit une chose : qu’il est moralement permis de recevoir le vaccin dans certains cas. Le fait qu’il ne mentionne pas les cas où il serait approprié de refuser le vaccin, que ce soit parce que cela n’est pas moralement justifiable (suivant le principe du volontaire indirect), ou parce qu’il y a un risque de dommage sérieux pour la santé, ou encore parce le bien commun peut être poursuivi dans un cas particulier par un groupe de gens qui refusent de se soumettre à une directive injuste, ne signifie pas que tous ces cas soient exclus. Ce serait établir la preuve sur l’absence d’évidence.

Mais le pape dit qu’il faut prendre le vaccin ?

Le pape François dit certaines choses qui sont vraies, et aussi plusieurs choses que nous devons soit abhorrer, questionner ou prendre avec un grain de sel. Sur le sujet particulier du vaccin, le pape ne fait que parler à travers son chapeau. Dire que nous devons prendre le vaccin implique toute une série de jugements de fait sur lesquels le pape, en tant que vicaire du Christ, n’a aucune expertise. Au contraire, comme j’ai déjà expliqué, il devrait ordonner un boycott, et aussi condamner l’abus de pouvoir des gouvernements.

Quelle conclusion pratique en tirer ?

Il n’est pas un péché en soi de prendre le vaccin ; je ne suis pas tenu par un ordre ecclésiastique d’éviter le vaccin ; je ne suis pas tenu en conscience par les ordres du gouvernement de prendre le vaccin ; je dois agir prudemment en tenant compte de toutes les circonstances.  Chaque Catholique doit donc, devant Dieu, prendre une décision surnaturelle prudente, en consultant si nécessaire son confesseur. Si je prends devant Dieu une décision qui n’est pas motivée par le désir d’un gain mondain, je peux alors être en paix et nul n’a le droit d’émettre un jugement téméraire.

Abbé David Sherry
Superieur de district, FSSPX District du Canada.


1 Somme théologique I-II 96,4